Education civique et dépravation : Les cris d’un coeur qui pleure

Tous les lundis, les étudiants étrangers de notre université située dans la ville de Dnipropetrovsk (Ukraine) ont un cours de culture et d’histoire ukrainienne. Ces séances permettent aux étudiants venus d’un peu partout – Afrique, Asie et Amérique du sud – de mieux s’intégrer, de connaitre l’histoire ,les coutumes et les mœurs de leur nouveau pays d’accueil, l’Ukraine. Ensuite ,ces cours sont souvent utilisés par nos professeurs comme une occasion nous permettant de faire connaissance entre nous, tout en favorisant aussi les échanges sur les similitudes et les contrastes que présentent nos cultures, nos langues ainsi que nos pays.
Lundi dernier, comme d’habitude en bon étudiant, j’ai péniblement mis un terme à mon doux sommeil pour aller en classe. Notre professeur, une dame quinquagénaire, qui était de très bonne humeur parce que nous étions au lendemain d’un long week-end de fête et de repos, nous a proposé de prendre sa place. Pour être très précis, je dois dire qu’elle nous l’a ordonné car vous le savez, en classe, ce sont les professeurs qui décident. Nous étions appelés à défiler à tour de rôle pour parler de nos pays respectifs aux autres camarades de classes originaires d’autres coins du globe.
Cet exercice ne semble pas compliqué à vue d’œil pour des étudiants dont la moyenne d’âge est d’environ 20 ans. Surtout que les questions standards auxquelles nous devions répondre étaient du genre : quel est le nom officiel de votre pays ? Sa devise ? Les couleurs du drapeau ? La signification des signes et des couleurs sur le drapeau ? Nous devions également parler des coutumes et des mœurs en ce qui concerne les mariages traditionnels… A priori rien de sorcier, même pas besoin de se creuser les méninges pour des questions aussi banales.
Seulement ces questions n’étaient pas si banales pour tous, car accrochez vous bien mes chers, j’ai un ami sub-saharien (dont je préfère taire le nom et la nationalité) qui n’a pu répondre correctement qu’a une seule de toutes ces questions (la couleur du drapeau de son pays). Incroyable mais vrai. On se demande comment quelqu’un peut avoir un peu plus de 20 ans et ignorer la signification des couleurs nationales de son pays, le nom de l’hymne nationale, comment peut-on à cet âge ignorer tout ou presque sur l’histoire de sa patrie ?
Incroyable. Et bien mes chers, depuis ce cours, j’ai approché l’ami sub-saharien en question pour comprendre pourquoi il ignorait ce qu’il devait savoir comme de « la Fatiha » pour un musulman. Au fil du temps, au fil des fréquentations, j’ai appris que dans son pays, on n’accorde pas d’importance à l’éducation civique qui n’existe que de la première année à la sixième année de l’école primaire. Et pourtant en le fréquentant, je vous avoue que l’ami sub-saharien en question est un fin connaisseur en matière de musique américaine, de gastronomie et de rap français, bref un homme assez ouvert et très intelligent qui ignore cependant tout ou presque de l’histoire de son pays, des coutumes, des folklores…
Pour ma part je suis persuadé que l’ami sub-saharien n’est pas le seul qui ignore tout ou presque lorsqu’il s’agit de sa culture, de l’histoire de sa patrie et j’en passe. En 2008 se tenait dans toutes les préfectures de ma Guinée natale les états généraux de l’éducation. Lors de ces grandes assises nationales, j’avais été choisi pour représenter la jeunesse de Gaoual, une localité située au nord ouest du pays. Je me rappelle qu’à la tribune de ces assises, j’avais été très fortement applaudi lorsque j’avais déploré le fait qu’une grande importance n’était pas accordée à l’enseignement de l’éducation civique dans nos différents établissements. J’avais par ailleurs regretté l’impuissance et l’inaction des décideurs et des écoles dans la dépravation et la disparition continuelle et dangereuse de nos coutumes, de nos mœurs mais aussi dans une certaines mesure de nos langues vernaculaires.
Nous avions fait des propositions pour redresser la balance comme par exemple introduire les cours d’éducation civique et de nos cultures locales du primaire jusqu’à l’université. Quelques années plus tard, je me suis rendu compte que toutes ces propositions ont fini leur parcours dans les vieux tiroirs du Ministère de l’éducation nationale et je ne sais où. Et pendant que ces belles idées moisissent et vieillissent, des jeunes continuent tous les jours à perdre leurs repères, la dépravation des mœurs continue, nous perdons de jour en jour nos richesses culturelles qui disparaissent avec nos vieillards qui meurent et mon cœur impuissant pleure…
C’est vraiment regrettable car si je suis loin d’être un chauvin ou un nationaliste aveugle, j’estime que les décideurs actuels ont le devoir d’introduire dans nos programmes d’enseignement un peu plus d’éducation civique mais aussi l’enseignement de certains aspects importants de notre culture, car je pense que la chose la plus précieuse dont nous avions hérité de nos ancêtres, c’est notre culture.
Alors pourquoi ne pas se battre pour la préserver et transmettre ne serait ce que les aspects positifs aux nouvelles générations ?
Paix à vous. A bientôt j’espère !
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