Lettre ouverte d’un expatrié à un ami
Cher ami !
Bonjour. C’est avec nostalgie et le cœur serré que je t’adresse ces mots que peut-être je n’aurai jamais dû écrire. Mais je pense que mieux vaut échanger avec les siens, mieux vaut s’ouvrir et se confier, partager avec eux notre bonheur et notre malheur. Le cœur serré car j’avais imaginé mon destin autrement. Mais comme vous le savez l’homme ne peut que proposer : le dernier mot appartient toujours à Dieu, le Miséricordieux, le tout puissant.
Ce qui a changé en moi, ce que je suis devenu, ce que j’ai appris
Depuis que je suis arrivée ici, en Ukraine, le moins que l’on puisse dire est que je ne suis plus le même. J’ai pris conscience de l’importance de ces moments que je passais avec la famille et les amis autour de l’attaya,ou du tchiapalo à parler, à rire de tout et de rien. Je suis un peu plus conscient de l’importance d’avoir autour de soi tous ses hommes et ses femmes qui vous aiment tant et sont prêts à tout pour vous. J’ai compris l’importance d’être chez soi, d’être entouré des miens et autres. J’ai compris dorénavant ce que j’avais toujours contesté lorsque j’étais au pays : je veux parler de la différence entre être riche et être heureux.
Je ne suis plus le même car je ne pense plus de la même manière. J’ai l’esprit un tout petit peu ouvert sur ce monde : les disparités, les similitudes, les différentes manières de penser… Bref j’ai saisi un peu plus la complexité et l’étendue de ce monde. J’ai compris pourquoi nos autorités doivent mettre un grand accent sur le développement des nouvelles technologies de l’information et de la communication, mais aussi sur l’éducation car l’ignorance est un des plus grands fléaux qu’il faut combattre. Il faut la combattre au même titre que la pauvreté et les épidémies.
Pourquoi je ne risquerai plus jamais ma vie
S’il y a quelque chose que j’ai appris à travers mes observations et mon vécu depuis que je suis là ,c’est qu’il ne faut jamais risquer sa vie pour être en Europe. Car je ne crois pas sincèrement que cela en vaut la peine. Mais je comprends que cela soit un tout petit peut difficile à comprendre.
Je sais de quoi je parle car il y a juste un peu plus d’une année j’étais moi aussi à la place de tout ceux qui étaient prêts à traverser le désert du Sahara et la grande mer méditerranéenne. Je refusais d’admettre la vérité en face.Je me rappelle de tous ceux qui ont tenté de me faire comprendre que ceux qui meurent dans les embarcations de fortunes et les pirogues le long de la méditerranée lors de la traversée avaient tort. Et bien ils avaient échoué, car j’admets à ce jour que ce n’est pas facile de comprendre ce que l’on a pas vécu.
Cependant voila un peu plus d’une année que je partage le quotidien, que je fréquente quelques unes de ces personnes qui ont tout sacrifié pour l’autre rive de la Méditerranée. Quand on discute avec eux, ils n’ont aucun complexe à vous dire que si c’était à refaire, ils ne le referaient surement pas. Il faut dire que l’image de paradis terrestre que les marchands d’illusion associent à l’Europe n’a rien de réel.
Cher ami il y a une chose que j’aimerai tant que tu comprennes c’est que partout où l’on vit, seul le travail et l’effort fourni peuvent améliorer les conditions de vie d’un Homme.
Très cordialement…
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